La Maisonnette des comédiens russes

Après le tournage de Magic in the moonlight de Woody Allen, restons encore un peu rue Saint-François-de-Paule, et passons à table, une fois de plus, à La Maisonnette des comédiens russes, une adresse chic des années 1920-1930 à laquelle les protagonistes du film d’Allen auraient pu se rendre…

Bien que peu d’informations subsistent sur ce restaurant franco-russe que l’on trouvait à la fois à Nice, 18 rue Saint-François-de-Paule, et à Paris, 36 rue Vivienne, on sait, d’après la carte de visite de l’établissement, qu’il était tenu à Nice par le prince Andrei ou André Obolensky, qui proposait dîners dansants et spectacles de qualité « à prix fixe et à la carte ».

Grâce à une publicité pour le réveillon de 1932 retrouvée dans la presse parisienne, on peut avoir une idée des tarifs pratiqués par la Maisonnette et des plats servis. 125 francs par personne pour le menu de fêtes, soit l’un des plus chers du marché, avec le déroulé suivant : « Bouchées au caviar d’Astrakhan / Consommé Souvoroff / Corbeille de pirojkis moscovites / Truite saumonée sauce tartare / Dindonneau farci à la Maisonnette / Délice de foie gras sauce Cumberland / Salade Rémi / Parfait mandarine / Gourmandises / Corbeille de fruits — Célèbres chanteurs russes – Danses – Surprises – Cotillons – Souvenirs aux dames. »

La princesse Tcherkakov.

On suppose que La Maisonnette a ouvert dans les années vingt, après une vague exceptionnelle de soirées exotiques appelées Fêtes d’art, conçues par l’architecte Paul Tissier pour la Société des grands hôtels de Nice, comme la fête « Un repas de noce en Russie » organisée au Ruhl le 26 février 1924 (voir diaporama). Entre la riche clientèle qui se passionne pour la culture slave et l’affluence des Russes blancs sur la Côte d’Azur, sans parler des artistes russes exilé.e.s en France, dont la star du muet Ivan Mosjoukine qui tourne dès 1921 à Nice son Enfant du Carnaval, La Maisonnette des comédiens russes est le pur produit de son temps. Concernant sa fermeture, il est possible que le restaurant n’ait pas passé l’année 1940, les guides ne le mentionnant plus après cette date.

Malheureusement, de la Maisonnette version niçoise, située idéalement « entre Casino et Opéra », il ne reste aujourd’hui plus aucune trace du bâtiment, qui aurait abrité une école avant sa démolition, ni de numéro de rue, un espace vert l’ayant remplacé (voir ci-dessous). Dernier témoin à Nice de la restauration à thème et du kitsch à la russe, rendez-vous Boulevard Gambettarevitch pour un petit tour de manège…